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L’orage faisait rage et dans la maison tous les meubles semblaient vibrer sous le grondement violent du tonnerre.  Mariette n’avait jamais eu peur ni des éclairs ni des effroyables coups de foudre, alors que son frère, lui, était terrifié.  Il avait d’ailleurs pris refuge dans les bras de sa grand-mère, ce qui amusait Mariette.  A onze ans il était encore un bébé.  Elle au contraire  prenait un grand plaisir à regarder ce spectacle grandiose de la fenêtre du grand salon.  La grand-mère habitait une maison bourgeoise de la banlieue de Lyon dans laquelle il était bien aisé de se perdre, car la bâtisse comprenait des dizaines de pièces dont la plupart n’étaient d’ailleurs que rarement ou jamais utilisées.   Mariette avait appris très jeune à en faire un terrain de jeu et, aimant la solitude, elle en faisait souvent le tour, se cachant parfois dans un placard pour goûter un instant au silence, à la rêverie, et depuis peu aux plaisirs de la lecture.

 

 La force de la pluie l’invita  à aller écouter le fracas de la tempête sous le toit.  Elle savait comment accéder au grenier qu’elle ne connaissait toutefois pas très  bien parce que, jeune, on lui en avait strictement défendu l’accès.  Elle se glissa donc au troisième étage et ouvrit l’étroite porte interdite.  Une lumière glauque envahit le palier et le cœur battant, elle s’engagea sur la première marche, en prenant soin de refermer la porte derrière elle.  Un éclair vint illuminer toute la cage de l’escalier d’une merveilleuse lumière bleue.   Arrivée dans le grenier, elle se sentit un peu perdue mais très vite elle avança et passa de pièce en pièce avec l’enchantement que l’on peut trouver au monde du passé. Elle décida de s’asseoir sur une chauffeuse recouverte d’un drap blanc, qu’elle prit la précaution de tirer pour ne pas salir sa robe.

 

Pendant quelques minutes elle scruta le bric-à-brac qui l’entourait. C’étaient des meubles anciens, des livres couverts de poussière, des tableaux obscurs, des robes fanées et des escarpins usés.  Bientôt toutefois son regard fut attiré par une petite valise en cuir rouge, dont les coins avaient été rehaussés de cuivre.  Elle fut intriguée et s’en approcha. Un étui de cuir vert suspendu à la fine poignée laissait entrevoir un nom.  Elle l’ouvrit complètement et lu ces étranges mots : « Trésor de la Princesse Louise de Cornouaille.  Ne pas ouvrir avant la fin des temps. ».   Elle ne put y résister et sans même réfléchir elle fit glisser les deux fermoirs qui retenaient le rabat de la valise.  Un éclair jaillit derrière elle comme une langue de feu.

 

Une fine poussière d’or l’enveloppa comme si le soleil avait été enfermé sous la doublure de soie bleu roi.  Un visage de femme apparut.  Puis une ombre se faufila dans son dos.  Elle se retourna et vit devant elle un homme vêtu d’un manteau écarlate.  Il était ganté et ses chausses de velours noir lui donnaient l’air d’un grand seigneur.  Il s’avançait lentement vers elle.  Elle eut juste le temps d’échapper à sa main.  Elle courut dans l’escalier et referma la porte du grenier avec terreur.  Lorsqu’elle rejoignit sa grand-mère et son frère,  elle les trouva endormis sur un fauteuil.  Elle se précipita vers eux ;   un filet de sang coulait de leurs lèvres.  Sur un guéridon on avait déposé ce billet :

 

Le diable est un enfant qui joue à la mémoire

Et croque la poussière avec ses dents d’ivoire.

 

Mariette fut internée pendant des années dans un cloître où elle se mura dans un mutisme inexpliquée jusqu’à sa mort. 

 

 

 

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